COMMENTAIRES

SUR LE MATCH ESS-CSS

 

La manche retour entre l'Etoile et le Club Sfaxien a été digne d'une finale. Avec plein d'enseignement pour les deux camps

Khaled Ben Yahia le joueur et l'entraîneur ne se ressemblent pas beaucoup. Autant le premier aimait le risque et le panache, autant le second affectionne les certitudes et la prudence. Samedi à Sousse toutefois, deux événements l'ont contraint à revoir ses options . d'abord le but réussi à la 14' par Dos Santos, ensuite l'expulsion de Boujelbène. C'est ainsi qu'on le vit se lever à la 16' de son banc pour exhorter ses joueurs à se porter de l'avant, ce qui réussit fort bien à son équipe qui s'était plutôt préoccupée lors des 15 premières minutes à contenir l'adversaire. Une option qui lui réussit fort bien et qui faillit même, sans le double ratage monumental de Kazadi et Ben Younès en première mi-temps, créer la sensation au stade olympique de Sousse.

L'Etoile a pour sa part, eu le grand mérite de jouer sans calculs, à visage découvert, contribuant grandement au spectacle, mais risquant gros par la faute de la jeunesse de la plupart des joueurs, mais aussi à cause d'un tempérament offensif parfois débridé.

L'un prend des risques,

l'autre pas

Khaled Ben Yahia était évidemment à mille lieues de penser que ce match retour face à l'Etoile allait se transformer en une rencontre où le K.-O., d'un côté comme de l'autre, était constamment dans l'air.

Le K.-O., lui, il voulait l'éviter à tout prix au risque de voir s'évanouir ses toutes dernières chances de créer la surprise. Et pour atteindre ce premier objectif, il opta pour un pressing au niveau de la ligne médiane avec évidemment le plus gros des troupes à œ niveau. Dispositif qui afficha de suite ses limites pour deux raisons au moins. La première est que Mhadhebi se servait de sa technique et de sa rapidité pour effectuer des raids sur le flanc gauche quand il ne "sautait" pas, avec Bargui et Ghodhbane, le mur adverse grâce à des balles en profondeur pour Dos Santos

et Jaziri, très mobiles à leur tour.

La seconde est la difficulté des Sfaxiens une fois le ballon récupéré, de le garder et de le reconvertir en ballons jouables devant. Le résultat de tout cela ne se fit pas attendre avec le but à la 14' de Dos Santos qui eut

pour double conséquence de faire réagir les visiteurs en même temps qu'il installa une confiance exagérée qui faillit être fatale dans le camp étoilé.

A partir de ce moment donc, le CSS prit des risques, devant cette fois-ci, en

dégarnissant son arrière-garde, mais en faisant en parallèle peser une menace constante sur celle étoilée en mal de couverture et qui ne nous a pas parue maîtresse de son sujet.

L'on crut même à la 30', suite à1'expulsion de Boujelbène, à un troisième scénario avec l'effondrement des Clubistes, mais rien de tout cela en définitive, et l'égalisation de Ben Younès fut la récompense logique d'une réaction qui ne fut pas que d'amour-propre.

Ben Younès:

retour au culot

On le croyait franchement fini avec toute la gloire qui lui est tombée dessus et qui lui est montée à la tête. On croyait également qu'il se remettrait difficilement d'une délicate opération aux ligaments croisés. On a trop vite oublié le buteur qui sommeille en lui et qui est capable de se réveiller à tout instant. Imed Ben Younès, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a parfaitement choisi son retour au premier plan, sur cette scène qui l'a vu récolter les plus beaux trophées et les plus belles satisfactions.

Trois buts "signés" qui devraient l'apostropher pour le temps perdu et les erreurs de jeunesse. Aujourd'hui avec une femme à ses côtés, l'ambiance beaucoup plus tranquille de Sfax et un entraîneur qui croit aux vertus du travail, Imed Ben Younès devrait retrouver sa verve et l'envie de jouer et de marquer. La revanche, c'est sur lui-même qu'il devrait la prendre !

Mais il n'y a pas que lui qui soit transformé. Regardez Souayah par exemple: on ne l'a jamais vu se battre comme il l'a fait contre l'Etoile; il ne s'est pas laissé aller à ses "pitreries" techniques et ses passes dans le dos de l'adversaire ont été un modèle du genre et un problème parfois insoluble pour les défenseurs étoilés. On a toujours dit que s'il laissait de côté le superflu et une certaine paresse sur le terrain, Souayah peut faire des miracles. Pour des raisons clairement différentes, mais

pour atteindre le même objectif que Ben Younès (rattraper le temps perdu), Souayah se voit offrir une nouvelle chance avec Ben Yahia. Là aussi, il ne tient qu'à lui de la saisir !

Quelle belle équipe !

Bien sûr, quand on se met dans la peau du supporter étoilé, de Benzarti qui commençait—à raison—de s'affoler ou de Othman Jenayeh qui craignait de tout voir s'écrouler, l'Etoile a péché samedi par sa légèreté.

Evidemment, l'Etoile doit apprendre à mieux gérer ses rencontres et à contrôler son comportement. Mais on ne peut tout de même pas ne pas aimer cette équipe étoilée avec deux attaquants affolants de mobilité, un Mhadhebi qui fait tout—et très bien—y compris quand il s'agit de serrer les dents et de défendre ou encore un Hammami dont la tentative de lob des 35 mètres est un modèle du genre. Mais on le sait, autant les automatismes sont faciles à trouver devant où la marge d'erreur est permise, autant il est difficile, de surcroît pour une défense totalement renouvelée, d'acquérir rapidement automatismes et complémentarité. Tout comme le milieu du reste sujet à trop de changements à notre avis, cri qui n'est pas la meilleure manière d'atteindre l'équilibre recherché. Si trop de richesses ne nuisent sûrement pas, elles peuvent s'avérer par contre risquées parce que tentantes. Or, une équipe qui gagne, c'est d'abord des certitudes derrière et l'Etoile a les joueurs pour se rassurer.

Pour conclure, disons qu'à quelque chose malheur est bon. Cela concerne le Club Sfaxien pour qui cette élimination en coupe de la CAF et même le handicap en championnat doivent exhorter au réalisme et au travail.

L'Etoile s'est assurément fiait peur, mais il s'agit d'une leçon précieuse pour tous, public compris, pour bien gérer les richesses actuelles avec l'intelligence et la sagesse requises.

Sami AKRIMI, La Presse de Tunisie